Crise du milieu de vie : Un vécu
Le milieu de la vie est pour beaucoup une période traversée par des moments difficiles. Aux transformations physiques inhérentes à l’âge, viennent s’ajouter et parfois même se cumuler des pertes : un licenciement, une séparation, le départ des enfants, la maladie ou les décès des parents…
Une perte peut venir affecter d’autres pans de l’existence et entraîner une remise en question plus profonde, ce qui est couramment appelé « crise du milieu de vie » ou encore « crise de la quarantaine ».
Mais, même sans ces événements de vie qui peuvent nous plonger dans la « crise », chacun est traversé par un mouvement profond et silencieux vers 40-50 ans.
Nous avons le sentiment que plus rien n’a de sens, que ce qui nous comblait avant ne procure plus la même joie. Nous éprouvons un malaise, une perte d’envie, une lassitude de soi et de sa vie. Nous avons une sensation de flottement, de perte de repères comme si la base auparavant solide semblait s’effriter. Nous nous reconnaissons difficilement dans nos ressentis. Les anciennes stratégies ne fonctionnent plus.
Que se passe-t-il ? Quel est le message qui vient de la profondeur de l’être ? Qu’est-ce qui dans les coulisses de la vie cherche à entrer sur scène ? A quoi est-il temps de renoncer ?
Crise du milieu de vie : Un phénomène normal
Durant la première partie de la vie, l’énergie psychique est mobilisée par une réalisation de soi en lien avec le regard des autres et les attentes supposées du monde extérieur, qu’il soit familial, professionnel, sociétal. C’est l’époque de la « construction », construction de la famille, du statut social, de la maison…
Le temps passant, au milieu de la vie, cette « construction » peut apparaître comme un leurre. L’énergie psychique s’oriente alors de plus en plus vers l’intérieur de soi, en quête de sens, en recherche de l’essentiel. Plutôt que de crise du milieu de la vie, on devrait plutôt parler de transition du milieu de la vie.
Alors que le changement se joue sur la scène extérieure (par exemple, trouver un nouveau travail), la transition (1) est un processus de renoncement à une réalité intérieure (« Qu’ai-je envie de faire aujourd’hui de ma vie professionnelle ? »).
C’est un processus normal, qualifié par Jung de processus d’individuation. Il fait partie du développement tout au long de la vie de l’individu. Les étapes et les épreuves de la vie sont des opportunités de se transformer en profondeur, d’aménager des événements qui se sont inscrits dans notre psyché et qui peuvent impacter nos comportements, nos choix, nos relations avec les autres.
La crise du milieu de la vie peut se manifester à l’occasion d’un événement ou « sans raison », apparente, bien sûr ! Ainsi, ce qui est vécu comme une « crise » (2) mettant en difficulté, peut également représenter une occasion de mieux se connaître et de se rapprocher de ce qui est essentiel pour soi.
Crise du milieu de vie : Une opportunité
Une réaction possible face à ce phénomène est de s’investir dans une activité intense pour contrer le malaise intérieur inhabituel et difficilement supportable. Une autre est de se saisir de cet appel des émotions et du corps pour se poser, pour faire le point sur sa vie et tenter de mettre du sens dans ces vécus intenses.
Ce retour sur soi peut permettre de mettre fin à des croyances et des schémas de fonctionnement anciens qui ne rendent plus service aujourd’hui, à des relations qui ne conviennent plus, à des émotions enfouies qui bloquent la circulation de l’énergie.
Dans la première moitié de la vie, la phase de « construction » a nécessité de mettre de côté des parties de notre être, de les laisser dans l’ombre. Au milieu de la vie, ces parties veulent sortir de l’ombre, se réaliser, aller vers la lumière.
De ce fait, cet appel de l’intérieur se manifeste aussi sous la forme de désirs nouveaux, ouvrant la porte à l’expression de talents jusque-là inexploités, artistiques par exemple.
Ainsi, cette transition du milieu de la vie est une occasion de devenir qui nous sommes, de nous accomplir, à condition d’accompagner ce mouvement des profondeurs, d’accepter un temps que l’édifice tremble un peu, le temps d’œuvrer à de nouvelles fondations.
Alors, que diriez-vous de vous accueillir avec douceur et vous écouter avec bienveillance dans cette période particulière ?
(1) Vient du latin transitio, qui signifie passage. Selon Larousse, une transition est le « passage d’un état à un autre. »
(2) En chinois, le mot « crise » est en fait l’association des deux idéogrammes Wei qui signifie danger et Ji qui signifie opportunité.