Les émotions n’ont en général pas très bonne presse. Bien souvent, nous n’avons pas grandi dans un environnement familial et social qui nous apprenait à percevoir, reconnaître, accepter et exprimer nos émotions. Pourtant, les émotions sont inhérentes à notre nature humaine. Alors peuvent-elles être nos amies ? Mais d’abord, comment fonctionnent les émotions ? Et que se passe-t-il si ce fonctionnement est entravé ?
Émotion : Définition
Le terme émotion vient du latin motio « action de mouvoir, mouvement ».
Une émotion est un état de trouble, d’agitation, transitoire et intense, qui survient de manière brusque et qui se manifeste aussi bien dans le corps que dans l’esprit. Il peut s’accompagner de troubles physiques (rougeurs, tremblement) et de modifications physiologiques. La présence d’une l’émotion est souvent révélée par une sensation physique.
Des chercheurs finlandais de l’équipe Dr Lauri Nummenmaa (PNAS décembre 2013) ont établi une « carte corporelle des émotions » qui traduit les effets physiques des principales émotions. Ils ont présenté à 701 volontaires des images ou des vidéo évoquant une émotion spécifique et ces derniers devaient représenter sur une silhouette humaine les parties de leur corps dont l’activité était suractivée ou qui diminuait. Ils ont constaté qu’à chaque émotion correspond une combinaison précise de sensations, quelle que soit l’origine du participant (Suède, Finlande ou Taïwan).
Sur cette carte, le rouge et le jaune désignent les zones du corps suractivées par l’émotion, le bleu désigne celles dont l’activité s’affaiblit ou ralentit avec l’émotion :
Contrairement aux émotions, les sentiments correspondent à la prise de conscience de la présence d’une émotion et s’inscrivent plus dans la durée.
Émotion : Fonctionnement
L’émotion est déclenchée par un stimulus soit externe, qui vient de l’environnement extérieur, soit interne, qui est produit par le mental et les pensées. Par exemple, la peur est une réponse à un danger réel ou présumé :
- Le danger réel peut être une voiture qui arrive sur une personne alors qu’elle traverse la route. La peur lui donne alors l’énergie d’éviter le danger en courant et la tension liée à la peur s’évacue avec l’action.
- Le danger présumé est construit par les pensées en anticipation d’un événement. Ces pensées entretiennent l’appréhension de ne pas pouvoir faire face à l’événement.
Dans les deux cas, la peur est utile car elle permet de se protéger, d’anticiper, de se préparer.
D’un point de vue physique, l’émotion est un cycle de charge-décharge d’énergie dans le corps :
La montée de l’émotion peut être courte ou plus longue. La durée du cycle lui-même peut être très variable. Si l’émotion n’est pas vécue pleinement, les tensions peuvent perdurer pendant des années.
Le comportement d’un jeune enfant représente une bonne illustration de ce cycle. Par exemple, il vit une frustration, son corps se tend, il se met en colère, la colère s’épuise et il passe à autre chose et peut même manifester sa joie dans la minute qui suit par un grand éclat de rire. En grandissant, nous perdons cette « hygiène émotionnelle » naturelle, notamment en réprimant nos émotions.
Quels sont les effets de la répression des émotions ?
Réprimer ses émotions consiste à s’empêcher de les exprimer par la peur imaginée des conséquences que cette expression pourrait avoir. Ainsi, l’énergie ne s’écoule pas, elle est contenue, emmagasinée à l’intérieur, ce qui provoque l’augmentation de la tension interne, un peu à la manière d’une cocotte-minute.
Au bout d’un moment, sans prise de conscience de cette accumulation, la cocotte-minute va « exploser ». Trois actions inconscientes et souvent disproportionnées sont possibles pour écouler la tension :
Effet boomerang
Décharger la tension sur soi ce qui génère des perturbations mentales et physiques : symptômes, somatisations, passages par l’acte…
Effet bulle
Décharger toute la tension accumulée au fil du temps, dans une situation similaire ou avec la même personne, comme la goutte d’eau qui fait déborder le vase.
Effet ricochet
Déplacer la tension sur une autre situation ou une autre personne. Par exemple, une personne se contient toute la journée face à un patron trop exigeant et irrespectueux, et une fois arrivée à la maison, « sans raison » (apparente bien sûr), elle se met en colère contre son fils.
A quoi peuvent servir les émotions ?
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Les émotions sont les messagers de nos états internes. Elles nous renseignent sur ce qui se passe en nous, sur comment nous sommes affectés par ce qui nous arrive, sur nos besoins. Elles peuvent ainsi nous permettre de mieux nous connaître, de découvrir ce qui est important pour nous. Elles sont comme une boussole pour nous aider à nous diriger dans la vie. En se mettant à l’écoute de nos émotions, nous pouvons en permanence ajuster nos choix, actes et paroles pour maintenir notre cohérence interne, cohérence entre nos ressentis, pensées, valeurs et actions.
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Elles peuvent également nous indiquer une charge émotionnelle liée à un événement du passé non « digéré » ou à une blessure, quand elles sont disproportionnées par rapport à une situation actuelle.
Ainsi, les émotions ne sont ni positives, ni négatives. Elles sont agréables, quand nous sommes en accord avec ce que nous vivons et désagréables (stress par exemple), quand nous vivons un manque de cohérence interne. Persévérer dans des vécus désagréables en réprimant ses émotions, crée de la souffrance et peut avoir à terme des conséquences sur soi ou sur ses relations, comme nous l’avons vu précédemment.
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Le monde peut se découvrir à travers les émotions, par exemple, ce qui est ressenti en contemplant un paysage. En fonction de sa sensibilité, l’émotion permet de percevoir différentes dimensions du monde, et ce qui est perçu peut être partager avec les autres. Ainsi, les émotions donnent du relief à notre vie.
- Être conscient de ses émotions et les accepter ouvre sur la compréhension et l’accueil des émotions des autres, donc contribue au développement de l’empathie.
Alors, émotions amies ?
Être conscient de ses émotions, les exprimer, en tenir compte dans notre vie et dans nos relations en font des « amies ».
En considérant que les émotions ont un rôle, on peut les accepter plus facilement. En nous réconciliant avec nos émotions et en les accueillant, nous serons en mesure de diminuer la souffrance et les tensions liées au refus des émotions. Et, nous pourrons vivre pleinement notre sensibilité, développer des rapports authentiques avec les autres grâce à l’empathie, cultiver notre expérience au monde et favoriser notre créativité.
Néanmoins, elles nous poussent parfois à déformer la réalité. Développer sa conscience émotionnelle, c’est apprendre à détecter ces moments où elles peuvent être des « ennemies » lorsque nous sommes identifiées à elle.