Comprendre la rumination

C’est quoi la rumination ?

La rumination, c’est quand aucune action immédiate ne permet de sortir du sujet de la pensée. La rumination présente également un caractère répétitif, avec des pensées négatives qui reviennent en boucle. Bien souvent, on rumine car on n’a pas envie d’agir pour corriger la situation ou parce qu’on pense ne pas pouvoir la corriger.

Comment identifier quand je rumine ?
Christophe André suggère de se poser les 3 questions suivantes :

  • Est-ce que ces pensées m’aident à trouver une solution intéressante ou applicable ?
  • Ou alors, est-ce que cela permet d’y voir plus clair ?
  • Ou enfin, est-ce que cela me permet de me sentir mieux ?

Si la réponse est non aux 3 questions, alors il s’agit bien d’une rumination.

Bien souvent, les petites phrases du genre « Ça ne va pas s’arranger », « Je n’aurais pas dû », « Je n’arriverai jamais à… », « Ça ne marche jamais », qui tournent en boucle entraînent des émotions désagréables, qui à leur tour induisent d’autres pensées négatives, qui viennent amplifier les émotions déjà présentes, etc. : c’est un véritable cercle vicieux émotionnel. Il s’agit d’une contagion neuronale : le réseau émotionnel neuronal de la peur est activé, il vient activer d’autres zones neuronales du cortex qui elles-mêmes génèrent des pensées négatives.

La rumination : Plus présente chez les anxieux

Tout le monde a des pensées négatives, a des peurs, notamment dans des situations compliquées ou difficiles. Il est tout à fait normal d’être parfois préoccupé par des soucis, tant que cela n’est ni trop intense, ni trop fréquent. Si cela est permanent, il s’agit alors d’anxiété.

En effet, ce ne sont pas les pensées qui posent problème, c’est l’excès d’anticipation, le fait de vouloir tout prévoir à l’avance, par peur de l’avenir ou par intolérance à l’incertitude. Ainsi, dès que la personne anxieuse se trouve dans une situation incertaine, elle envisage des options, des scénarios possibles, bien souvent en imaginant ce qui peut se produire de pire. Contrairement à l’anticipation « réfléchie », l’anticipation anxieuse s‘accompagne souvent de malaise, d’émotions désagréables et le cercle vicieux de la rumination est alors enclenché.

Le problème de l’anxiété vient donc de la confusion entre réfléchir et ruminer.

La différence entre les personnes anxieuses et les non anxieuses, c’est que les premières restent focalisées sur la pensée négative, tandis que les secondes ont une attention plus souple, et ainsi passent plus facilement à autre chose. Une autre différence réside dans le fait que les personnes anxieuses mettent tous les problèmes au même niveau, les petits tracas du quotidien (un retard, une panne, une altercation…) avec des problèmes plus graves. Ainsi, elles vivent dans un monde imaginaire plein de dangers incessants qu’il s’agit d’anticiper en permanence.

Les conséquences de la rumination

Rumination : Conséquences sur le bien-être

Non seulement, la personne sujette à la rumination est souvent envahie par des pensées involontaires et compulsives, mais elle est aussi envahie par des émotions désagréables comme la peur, la tristesse, la colère… Ces émotions peuvent avoir un impact à la longue sur l’humeur. D’ailleurs, ruminer active les réseaux neuronaux impliqués dans l’anxiété et la dépression.

Parfois, quand le flux de pensées est trop important, les ruminations peuvent provoquer des crises d’angoisse ou des attaques de panique. Enfin, ruminer et être « coincé » dans ses pensées a un impact sur la motivation à agir. En effet, la motivation diminue de plus en plus à force d’avoir l’impression de ne pas trouver de solutions.

Rumination : Conséquences sur les relations

La présence de pensées négatives entraîne une humeur maussade et altère comme vu précédemment la motivation, mais aussi l’ouverture à l’autre, donc une disposition moindre au lien social. Cette humeur négative peut également donner envie à certaines relations de mettre de la distance. Enfin, l’intensité avec laquelle la personne vit parfois les ruminations, notamment lors des crises d’angoisse, peut provoquer dans l’environnement de l’incompréhension, de la moquerie ou même du rejet, accentuant alors l’insécurité et la peur chez cette personne.

Comment réguler la rumination ?

Si je vous demande de penser à tout sauf à un éléphant rose, vous allez voir un ou plusieurs éléphants roses. On ne peut pas décider de ne pas penser et décider de ce à quoi nous pensons ! « Vous renforcez tout ce contre quoi vous vous battez. Et ce à quoi vous résistez se perpétue », Eckhart Tolle. Ce phénomène est également vrai pour les émotions.

La solution n’est donc pas de vouloir supprimer toutes les ruminations mais de choisir le degré d’attention alloué à la pensée et non de la subir la pensée ou de vouloir l’éviter (avec des distractions, de l’alcool, de la nourriture…). Il n’y a pas de remède miracle face aux ruminations, mais il y a des stratégies de régulation des processus mentaux. Cette stratégies permettent de sortir du fonctionnement par défaut du mental qui s’égare dans les pensées et les histoires et entraîne le cercle vicieux émotionnel.

Arrêter de prendre ses pensées au sérieux

Lorsque nous sommes concentrés sur une tâche, notre pensée est focalisée sur le présent. Le reste du temps, les pensées se forment dans l’esprit dans un flux plus ou moins constant et plus ou moins intense selon les situations et les contextes. Ce flux a parfois une telle puissance, qu’il peut nous emporter. Ce flux, c’est le film de nos histoires intérieures, sur nos croyances, nos malheurs passés et à venir, les comportements des autres à notre égard, les dangers possibles pour nous et nos proches… Nous avons tendance à croire que nous sommes ce film, à croire que nous sommes nos pensées.

« Il n’y a rien de bien ou de mal en soi. C’est la pensée qui en fait un bien ou un mal », Shakespeare.

Et si vous commenciez à regarder les pensées pour ce qu’elles sont, juste un film sur un écran ? Vous pouvez vous mettre en observateur des pensées qui se forment dans votre mental, sans les juger. Vous pouvez aussi prendre conscience de ce qui les provoque, les amplifie ou au contraire les apaise. Méditer régulièrement peut vous aider à développer cette capacité à observer vos pensées.

Arrêter de ruminer des problèmes qui n’existent pas

Même si notre cerveau veut parfois (souvent ?) nous faire croire le contraire, ce n’est pas en pensant pendant des heures à un problème qu’on va le résoudre. Par exemple, si vous commencez à penser à votre futur changement de poste et que la machine à scénario se met en route dans votre tête, cela peut donner quelque chose du genre : « Et si, je ne trouve pas rapidement, je vais commencer à déprimer, à me fâcher avec mon chef, à perdre la motivation, à être tendu avec mes proches… Et si, je ne trouve pas, je perds mon travail, je vais être au chômage, ne plus avoir de ressources, me retrouver à la rue… » A la fin, c’est la catastrophe !

Si ces pensées étaient utiles et profitables, elles devraient au moins vous permettre de vous sentir mieux. Si au contraire, vous êtes agacé, tendu, triste, vous êtes pris dans une rumination anxieuse. Ainsi, en ruminant vos problèmes, vous vous faites du mal, vous créez de la souffrance pour vous et autour de vous alors qu’un problème se résout par l’action et non par la pensée et qu’on ne peut pas résoudre un problème qui n’existe pas encore ! De plus, n’avez-vous pas déjà observé, que ce soit vous concernant ou concernant un proche, des ressources insoupçonnées lorsque survient un problème important?

Quand vous vous rendez compte que vous ruminez, vous pouvez vous demander : « Ai-je un problème en ce moment ? », Eckart Tolle. Et, 95 % du temps, vous n’avez pas de problème dans le présent !

Arrêter d’être esclave de ses pensées

Quand une pensée se présente, la majeure partie du temps, elle concerne soit l’avenir, soit le passé, et est souvent reconnaissable par une tournure conditionnelle (« Et si, je n’avais pas fait ceci », « Et si il se passe cela… », « j’aurais du… »). Voici quelques pistes pour vous aider à vous désidentifier de vos pensées :

1/ Reconnaître et accueillir cette pensée en lui disant « bonjour ». Si c’est une pensée qui revient fréquemment, vous pouvez aussi lui donner un surnom. L’humour a le don de favoriser la mise à distance.

2/ Faire du tri dans ses pensées, à partir de la définition de la rumination ci-dessus. Si la pensée est utile et que je peux avoir une action concrète, j’agis s’il y a gravité ou urgence (pensée qui concerne le présent), sinon je planifie une action. Dans le cas contraire, la pensée est de la rumination et je passe à l’étape suivante.

3/ Se détacher de la pensée. A vous de choisir en fonction de ce qui est le plus efficace pour vous et de la situation :

  • « Mettre la pensée sur la corde à linge » si la pensée est une décision à prendre et que tout les éléments ne sont pas encore réunis pour pouvoir décider, mettre momentanément cette pensée de côté pour la reprendre le moment venu. Cette stratégie revient à décider que ce n’est pas le moment de décider. J’aime beaucoup cette métaphore de la corde à linge : pourquoi s’acharner sur un sujet (un tas de linge mouillé) alors que le temps (le souffle du vent ou le soleil) pourrait naturellement le résoudre (le sécher).
  • Donner rendez-vous mentalement à la préoccupation dans les jours suivants en pensant à un moment précis où il sera possible d’agir et éventuellement prendre note de ce rendez-vous.
  • Imaginer que la pensée est un ballon, que l’on lâche petit à petit et qui s’envole dans le ciel. Et comme me l’a dit une patiente, « en veillant à ne pas s’envoler avec la pensée » 😊.

Revenir dans son corps

Si la rumination est intense et que vous n’arrivez pas à vous en détacher, vous pouvez défocaliser votre attention des pensées en la ramenant dans votre corps. Pour cela, vous pouvez choisir parmi plusieurs possibilités :

  • Mobiliser votre corps dans une activité : sportive, physique (marche dans la nature, jardinage, ménage…), ou toute autre activité qui occupe vos mains (cuisiner, peindre, coudre…). Vous allez constater qu’au bout d’un moment, vous êtes « pris » dans l’activité et revenu dans le moment présent.
  • Se poser et respirer : respiration abdominale, séance de cohérence cardiaque
  • Se relaxer : il existe différents exercices de relaxation, de sophrologie ou d’hypnose, comme le lieu de sécurité par exemple, ou encore de visualisation.

Pour ces deux derniers points, vous trouverez différentes proposition dans l’article « Réduire les symptômes du stress », dans la partie « Prendre soin de soi au quotidien ».

Belle découverte de nouvelles ressources pour vous permettre de plus profiter du moment présent !