Vous trouverez dans cet article des éléments pour comprendre ce qu’est le processus de deuil et surtout comprendre et mettre des mots sur vos ressentis et vos vécus.
En effet, quand on perd un proche ou qu’un de nos proches est endeuillé, nous pouvons nous sentir démuni face à ce tsunami qui nous traverse ou traverse notre proche.
Dans un premier temps, je vous donnerai des éclaircissements sur ce qui se joue lors du processus de deuil. Dans un deuxième temps, vous trouverez des précisions sur les étapes du processus de deuil et les questions à se poser pour soutenir ce processus, en appui sur le livre de Christophe Fauré, Vivre le deuil au jour le jour.
Processus de deuil : Quelques éclaircissements
Le vécu du deuil vient interpeller l’individu à tous les niveaux de son être, physique et psychologique, mais aussi relationnel et social. Ce vécu est teinté par les modalités antérieures du lien, la fin de vie, les circonstances du décès.
Sans relation d’amour, pas de deuil. La relation s’est construite au fil du temps. Elle est tissée par des liens conscients et inconscients. Ces liens, par exemple d’attachement, de partage, de complicité, de soutien, contribuaient à la vie au quotidien de la personne endeuillée. Le travail de deuil est le processus psychique lent de renoncement et de transformation de cette relation.
Le processus de renoncement nécessite de revisiter et de détacher progressivement plusieurs fois tout ce qui rattache dans la réalité à la personne disparue, comme des vêtements, des lieux, des objets, des musiques, des livres… Revisiter ce passé maintient également au début du deuil cette personne en vie.
Cette disparition, cette absence « petit bout par petit bout » permet à la personne endeuillée d’éprouver la séparation dans la réalité et le détachement de l’amour. A travers la souffrance et le chagrin, la réalité de la séparation s’impose lentement à elle. Avec le temps, l’intensité de sa souffrance s’estompe et elle peut à nouveau s’investir vers d’autres personnes, d’autres centres d’intérêt.
La perte peut devenir acceptable si le lien se transforme d’un lien externe vécu dans la réalité à une nouvelle forme de lien, un lien interne, une présence intérieure, grâce à des processus d’identification : identification à certains comportements, certains goûts, certaines fonctions que l’autre occupait pour soi…
Le deuil d’un être aimé transforme grâce à ces processus d’identification, mais aussi d’intériorisation et de subjectivation de certains aspects de cet être. Par cette transformation intérieure, il permet à la personne endeuillée de ne pas oublier la personne disparue. Il provoque également un réaménagement de la vie relationnelle et sociale.
Le travail du deuil consiste donc à faire la paix avec un être cher qui est parti, malgré un futur resté en suspens et un passé parfois douloureux. Il nécessite le pardon de soi, de l’autre, de se libérer de la culpabilité et du ressentiment. Chaque perte vient mettre au travail des aspects de soi restés en jachère et ainsi la vie, à travers le deuil, nous enrichit. C’est par le travail de mise en sens de la mort qui surgit, que la vie peut continuer, en gravant dans sa propre histoire la présence du disparu malgré son absence.
Processus de deuil : Un ouvrage
« A l’aide de nombreux exemples, Christophe Fauré explique le cheminement du travail de deuil, selon la nature du lien au défunt, les circonstances du décès, avec les différentes phases du processus, de la phase de choc, de sidération, à la restructuration. Car accepter le deuil est aussi la seule voie de cicatrisation possible, légitime et nécessaire, qu’il faut pouvoir emprunter si l’on veut justement, un jour, sortir du deuil.
Ce guide psychologique pour les personnes endeuillées et leur entourage dit et analyse la déchirure. Il permet de savoir à quel point ce que l’on traverse est normal et comment s’en sortir. Il constitue un accompagnement, apporte un éclaircissement et un réconfort inestimables pour celles et ceux qui, confrontés à une terrible douleur, ne savent plus comment avancer. »
Ce livre écrit à destination des personnes endeuillées met des mots sur les vécus successifs qui peuvent être traversés lors du deuil. Il décrit ce qu’est le deuil, le processus de deuil, chaque perte spécifique (conjoint, enfant, petit-enfant, parent en fonction des âges de la vie) et comment s’aider et se faire aider en fonction de sa situation.
Cet ouvrage présente également un intérêt pour l’entourage des personnes endeuillées ou pour les personnes qui les accompagnent. Mieux appréhender les réactions imprévisibles et parfois incompréhensibles suite à un décès peut en effet contribuer à une écoute et des attitudes ajustées.
Vous trouverez ci-dessous les phases du deuil et les questions clés du travail de deuil proposées par l’auteur.
Processus de deuil : 4 phases
Les phases décrites ci-dessous permettent d’éclairer le processus de deuil, en gardant bien à l’esprit que chaque deuil est singulier et que le processus n’est pas linéaire, les phases se chevauchant.
- Choc, sidération, déni
Quand la mort survient, même si elle était devenue probable depuis quelque temps, une partie de soi refuse d’y croire. La personne endeuillée se réfugie dans une attitude protectrice de non-reconnaissance et d’anesthésie des émotions face à la violence de la perte. Cette mise à distance de la douleur est facilitée pour un temps par les nécessaires obligations consécutives à un décès. L’inévitable confrontation à l’absence commence à mettre à nu cette douleur, intense et violente. Elle s’exprime par des épisodes sains et nécessaires de décharge émotionnelle qui se manifestent à travers des montées de larmes irrépressibles.
- Fuite / Recherche
Le traumatisme lié à la prise de conscience progressive des pertes multiples consécutives au décès de l’être cher entraine deux comportements. D’une part, la fuite consiste à se noyer dans une activité débordante pour éviter la confrontation au vide, au surgissement de ses pensées et de sa souffrance. D’autre part, la recherche revient à rechercher consciemment et inconsciemment l’autre contre la perte des liens et pour maintenir le contact. Les pensées et les actes sont orientés vers le défunt. On croit voir sa silhouette, entendre sa voix…
- Déstructuration
La pleine conscience de l’inéluctabilité de la perte arrive au bout de six à dix mois après le décès et provoque un paroxysme dans la douleur. Les mécanismes de défenses protégeant du vide et de l’absence disparaissent progressivement alors que les nouveaux liens intérieurs ne sont pas complétement construits. Les repères s’effondrent, laissant la place à des émotions intenses : colère et révolte (conte la vie, la médecine, la personne décédée, soi), culpabilité, vécu dépressif (perturbation du sommeil et de l’appétit, douleurs corporelles, ralentissement physique et intellectuel, perte de discernement et du plaisir, tristesse), peur.
- Restructuration
Le deuil permet de se reconstruire d’une autre façon en se transformant. Cette transformation passe par plusieurs redéfinition de ses relations : à autrui et au monde, au défunt, à soi-même. Cette redéfinition de la relation à soi-même met un peu de sens dans ce vécu si douloureux. Cette phase de retour à la vie peut prendre du temps à cause de la culpabilité du survivant. Le temps a aussi pour fonction de maintenir le lien à l’autre à travers la souffrance du travail de deuil.
« Quand je réaliserai que je ne lutte plus contre le fait que cette personne que j’ai aimée est bel et bien morte et que je ne cherche plus à me protéger de cette réalité, je comprendrai que le plus gros de mon deuil se trouve derrière moi. » (p.130)
Processus de deuil : 3 questions clés
L’auteur propose trois questions qui constituent la trame du travail de deuil. « La répétition et le retour incessant à ces questions » permettent d’avancer peu à peu sur le chemin à parcourir. Ce chemin peut s’effectuer seul ou en présence d’une personne de confiance en capacité d’apprécier la difficulté et la complexité du vécu du deuil.
- Qui avez-vous perdu ?
A travers cette question, il s’agit pour la personne endeuillée d’explorer en profondeur la personnalité de l’être disparu et la nature du lien qui les reliait, afin de pouvoir se les réapproprier même si c’est extrêmement douloureux émotionnellement au départ.
- Que s’est-il passé ?
Il s’agit de reprendre en détail (paroles, gestes, émotions, pensées…) le récit de ce qui s’est passé avant, pendant et après le décès : annonce du diagnostic ou circonstances de l’accident, hospitalisation, fin de vie, derniers instants, obsèques, démarches, retour à la maison… Répéter l’histoire, même si c’est douloureux, crée une distance émotionnelle entre l’événement et la personne endeuillée. Cette répétition grave également l’histoire dans la mémoire.
- Où en êtes-vous aujourd’hui ?
Cette question balaie tous les aspects de la vie de l’individu : physiquement (s’occuper de soi), matériellement (s’occuper des démarches administratives et financières), socialement (se sentir soutenu), psychologiquement (interroger son état émotionnel sans se juger), spirituellement (interroger sa quête de sens).
Pour réaliser ce travail de deuil, vous pouvez vous sentir seul à une phase du processus de deuil. N’hésitez pas à vous faire accompagner par un soutien psychologique. Sans rentrer dans un suivi long, un espace doux et bienveillant où vous serai accueilli sans jugement là où vous êtes, peut vous aider à cheminer vers l’apaisement.